Ferme opposition des femmes Bagyeli face a Biopalm

Maternité précoce

Sous la menace de l’accaparement de la société agro-industrielle Biopalm, des femmes autochtones Bagyeli du département de l’Océan disent non à la production du palmier à huile dans leurs forêts.

Cameroun, Village of Mounguè : « Nda Bagyeli »

La cinquantaine sonnée, Régine Louanga a terminé ses activités champêtres avant 10 heures ce 08 Avril 2019. Elle tient à participer à la réunion du village relative au projet Biopalm. Foulard marron noué sur la tête et vêtue d’une grande robe fleurie, localement appelé « Kaba », cette femme autochtone et mère de six enfants est la première à arriver sur le site de la rencontre sis à « Nda Bagyeli » qui signifie en langue française « Maison des Bagyeli ».

Considérée comme le fief de la communauté autochtone Bagyeli du village Mounguè dans l’arrondissement de Bipindi, « Nda Bagyeli » se trouve au fond d’une route forestière, à une quinzaine de minutes à pied de l’axe routier départemental en terres, Elogbatindi-Bipindi, reliant l’arrondissement de Bipindi à celui de la Lokoundjé, toujours dans le département de l’Océan.

A peine arrivée, Régine s’active pour rassembler ses frères et sœurs. Jeunes, femmes, hommes et enfants sont presque tous regroupés autour de l’arbre à palabre de « Nda Bagyeli » au bout de quelques minutes seulement. Sans protocole, Charles Madjoka, leader d’opinion Bagyeli et président de l’Association des Représentants Bagyeli de l’Océan (ARBO) prend la parole. Il salue ses frères et sœurs en langue Bagyeli et entame le sujet « Biopalm », qui préoccupe toute la communauté.

L’information sur l’arrivée de Biopalm répandue dans la communauté depuis quelques jours, ne fait plus l’ombre d’aucun doute. Le décret N°2018/736 du 04 Décembre 2018 signé du Président de la République du Cameroun autorise « la conclusion par dérogation spéciale d’un bail emphytéotique entre l’Etat du Cameroun et la Société PALM RESSOURCES CAMEROON S.A (BIOPALM) sur une parcelle du domaine privé de l’Etat ».

Difficile pour les communautés d’avoir une copie du décret. Mais dans le document intitulé « Newsletter on the Mandate of Great Opportunity », trouvé sur Internet, le décret portant sur Biopalm est cité dans la liste des 84 décrets signés par le président de la République en Décembre 2018 (p. 82).

Dans la copie intégrale du décret qu’une source nous a remis, l’alinéa 1 du premier article dispose que :

Le présent décret autorise la conclusion d’un bail emphytéotique entre l’Etat du Cameroun représenté par le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières et la société PALM RESOURCES CAMEROON S.A (BIOPALM), représenté par Monsieur BISSO EYA Joseph sur une parcelle du domaine privé de l’Etat aux lieux dits « Gwap, Nkollo et Bella », Arrondissement de la Lokoundje, Département de l’Océan, en vue de la création d’une plantation agro-industrielle de palmier à huile.

Selon le décret, la parcelle visée couvre plus de 18 mille hectares. « Le bail Emphytéotique conclu pour une durée de 50 (cinquante ans) renouvelables, prend effet à compter de la signature du contrat de bail entre l’Etat du Cameroun et la société PALM RESOURCES CAMEROON S.A », précise l’article 2.

Selon le Plan Communal du Développement de la Lokoundje réalisé par le Programme National de Développement Participatif (PNDP) en 2011, les villages Gwap, Nkollo et Bella comportent 4 campements des communautés autochtones de forêts. La communauté Bagyeli de Moungué se voit aussi affecté, parce que ses territoires d’utilisation chevauchent avec ceux des Bagyeli de Gwap. Premiers habitants de cette forêt, leur survie dépend essentiellement des ressources qu’elles y tirent.

Les communautés Bagyeli n’en reviennent pas. Elles ont longtemps exprimé leur opposition face à l’implantation de Biopalm dans leurs forêts, mais l’Etat en a décidé autrement. Les Bagyeli du département de l’Océan craignent aujourd’hui de perdre les forêts dont elles dépendent entièrement pour leur survie, comme toute communauté autochtone de forêt.

Sur la carte montrant les limites géographiques de la concession de Biopalm, les Bagyeli de Mounguè constatent avec amertume que la société agro-industrielle va occuper les terres de leurs frères autochtones des villages voisins. En effet, la carte produite par des organisations de la société civile à partir des limites géographiques indiquées dans le décret présidentiel, montre que la concession de Biopalm empiète significativement les terres des Bagyeli résidant dans les villages Gwap, Nkollo et Bella.

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